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Vendredi 27 Septembre 2019 Par Yoann DELHAYE, Avocat au Barreau de Bordeaux

Sociétés – La faute pénale intentionnelle commise par le dirigeant, nécessairement détachable des fonctions, engage sa responsabilité civile personnelle

Par un arrêt rendu le 18 septembre 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation réaffirme une solution communément admise selon laquelle la faute pénale intentionnelle du dirigeant est nécessairement détachable des fonctions et engage dès lors sa responsabilité civile personnelle (Cass. Com. 18 septembre 2019, n°16-26962).

Faut-il encore rappeler que cette solution tout à fait classique ne constitue pour autant qu’un tempérament à un principe d’exonération de responsabilité civile personnelle du dirigeant qui agit dans le cadre de ses fonctions.

C’est ainsi que les dirigeants sociaux ont très longtemps bénéficié d’une certaine immunité lorsque leurs agissements causaient un préjudice à la société, à l’un des associés ou à un tiers.

C’est dans ce contexte que la jurisprudence, s’inspirant de la théorie administrativiste de la « faute détachable du service », a établi un régime juridique facilitant la mise en cause personnelle du dirigeant social.

D’abord par la création de la notion d’activité extérieure à la seule représentation de la société ; puis par la notion de « faute séparable des fonctions ».

Il faudra toutefois attendre un arrêt du 20 mai 2003 (Cass. Com. 20 mai 2003, n°99-17092) pour définir clairement le critère de la faute détachable au séparable des fonctions, qui sera retenue :

« Lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une gravité particulière incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales »
C’est dans ce cadre qu’a notamment été discutée de la question de la faute détachable des fonctions en cas de commission, par le dirigeant, d’une infraction pénale intentionnelle.

Dans un premier temps, la 3e Chambre civile de la Cour de cassation estimait que la faute pénale intentionnelle caractérisée par le défaut de souscription d’assurance obligatoire n’était pas constitutif d’une faute séparable des fonctions (Cass. Civ. 3ème, 4 janvier 2006, n°04-14731).

De son côté, la Chambre commerciale s’est montrée bien plus sévère estimant que la faute pénale intentionnelle était nécessairement constitutive d’une faute détachable des fonctions (Cass. Com. 28 septembre 2010, n°09-66255).

Il faudra attendre un arrêt du 10 mars 2016 pour que la 3ème Chambre civile aligne sa position sur celle adoptée par la Chambre commerciale (Cass. Civ. 3ème, 10 mars 2016, n°14-15326).

Dans le cadre de la décision rendue le 18 septembre 2019, le dirigeant d’une société était déclaré coupable de complicité d’abus de biens sociaux. La société se constituait partie civile, et sollicitait le paiement d’une certaine somme à titre de dommages-intérêts.

Le dirigeant, condamné à indemniser la société, faisait valoir qu’il avait agi au nom et pour le compte de la société en tant que mandataire social : il assignait donc une autre société venant aux droits de la société victime en remboursement des sommes objet de la condamnation.

La Cour d’appel de Versailles rejetait sa demande : il formait donc un pourvoi en cassation donnant lieu au présent arrêt.

La Chambre commerciale tire parfaitement les conséquences de sa jurisprudence et indique que la réparation du préjudice est une dette personnelle du dirigeant qui ne peut donc bénéficier de l’écran de la personnalité morale pour tenter de se protéger.

Il s’agit donc d’une décision tout à fait cohérente au regard de la jurisprudence applicable en la matière depuis une dizaine d’années.

Au-delà, cet arrêt pose la question de la source des pouvoirs confiés aux dirigeants sociaux, qui rejette expressément la qualification de mandat suivant les dispositions spécifiques du Code civil, relançant l’éternel débat sur la qualification juridique de la société et qui ne manquera pas de faire réagir les universitaires sur la question.

L’œil de l’avocat :

Les sociétés, et donc notamment les associés dans l’engagement est limitée ou non aux apports effectués, n’ont pas à subir les conséquences des infractions pénales intentionnelles commise par leurs dirigeants.

Encore faut-il que l’infraction pénale soit commise intentionnellement, ce qui constitue là une ligne de défense crédible pour le dirigeant social qui cherchera une couverture par la société qu’il dirige.

Quant aux tiers victimes, leur intérêt est nécessairement de rechercher la responsabilité cumulée temps de la société que du dirigeant social pour maximiser les chances d’indemnisation. La société pourra compenser une insolvabilité du dirigeant ; le dirigeant pourra compenser une éventuelle liquidation de la société.

Pour tout conseil en matière de droit des sociétés et de responsabilité des dirigeants sociaux, n’hésitez pas à prendre attache avec le Cabinet de Maître Yoann DELHAYE, Avocat à Bordeaux.



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